IRAN, Vert… de rage!

© Olivier Laban-Mattei

Ces deux photos ont été prises le 13 juin 2009 lors des manifestations anti- réélection d’Ahmadinejad, par Olivier Laban-Mattei, qui est un des rares photographes occidentaux encore présents en Iran ( les autres ayant été expulsés, leur visa n’ayant pas été renouvelé). En effet, les résultats ont donné Ahmadinejad vainqueur avec 62 % des voix contre 34 % à Moussavi. Ce dernier dénonce des fraudes massives et ses partisans manifestent leur opposition. Les manifestants  se réunissent sous la couleur verte. C’est pour cela que la série du photographe est nommée « Green Insurrection ». Aujourd’hui, le vert est la couleur de l’espoir mais c’est aussi la couleur traditionnelle de l’Islam. Les manifestations sont très durement réprimées par les forces de polices mais aussi des miliciens. L’opinion publique mondiale est même prise à témoin lorsque la mort par balle d’une jeune femme, Neda Agha- Soltan, est filmée par des manifestants et postée sur internet. Le  bilan officiel fait état de 20 morts et 1 032 arrestations par la police, bien plus selon les opposants.

Au premier regard, cette photo nous provoque un choc, car les mains de cet homme sont couvertes de sang. La victime regarde l’état de sa main, tout en essayant de se soigner à l’aide d’un mouchoir sur son visage. On remarque ensuite une autre main s’approchant de l’homme blessé. On peut supposer qu’il vient à son secours. C’est un esprit de solidarité qui se présente alors. L’homme est de face, en gros plan qui l’isole du décor, il est, de ce fait, mis en valeur. Cependant, on distingue à l’arrière plan, un véhicule (sûrement un bus) qui est en flammes. On lit cette photo de façon verticale car c’est un portrait de l’homme qui est blessé. Le bus en flammes sert de fond dans cette image et suggère d’où vient cette violence : la manifestation a  mal tourné.

Deuxième photo :

© Olivier Laban-Mattei

Cette photo représente le même homme que sur la photo précédente, mais ici, le photographe a choisi un angle de vue différent. En effet, ce n’est plus un gros plan mais un plan taille, la victime n’est plus de face, mais de profil. Cette fois-ci, l’homme a les deux mains sur le mouchoir posé sur son visage. Il n’y a plus la main d’une autre personne pour lui venir en aide. On a l’impression que cette personne veut fuir le lieu de la manifestation. On a aussi une impression de solitude (la rue est vide, il n’a personne autour pour l’aider) et de grande violence (on voit plus de sang) et la scène est plus oppressante. A l’arrière plan, on distingue plus de détails : on voit la rue dans son ensemble, on voit mieux l’incendie,  l’épaisse fumée, c’est très impressionnant et on peut penser qu’il y a eu de nombreuses victimes. Il y a des lignes de fuite, qui réunissent le premier plan  (la conséquence, le blessé) et l’arrière plan (la cause, les manifestations violentes). C’est-à-dire que les lignes de la route, guident le regard au fond de la photo, pour nous faire voir les raisons pour lesquelles l’homme du premier plan est dans cet état.

Différences et ressemblances des deux photos Ces deux photos nous présentent le même sujet: les manifestations post-élection présidentielle en Iran qui ont fait de nombreuses victimes. C’est la révolte de la jeunesse face aux élections truquées . Ce sont des photos engagées aux côtés des manifestants pour montrer et dénoncer l’absence de démocratie en Iran et la violence de ses dirigeants. Le photographe insiste sur la jeunesse des manifestants. C’est eux l’avenir, il veulent que ça change et le font savoir dans la rue parce que les élections n’ont pas été libres.Les deux clichés ont tous les deux un effet technique qui est de mettre en clair le premier plan, et l’arrière plan en flou. Mais le photographe a voulu différencier ses deux photos, en changeant l’angle de vue. L’une d’elle insiste sur la solidarité entre les victimes, alors que l’autre, nous montre la rue avec les dégâts de la manifestation. On ne peut pas vraiment déterminer laquelle des deux est la plus marquante, car tout dépend de la façon dont on veut les utiliser.  Ces deux photographies donnent deux points de vue sur les manifestations, et nous donne envie d’agir, pour aider les Iraniens à obtenir plus de liberté, car une République ne peut être une République si elle n’est pas démocratique, respectueuse des droits et surtout libre, égale et fraternelle.

Escach Mélanie, Yvon Melissandre, 2de 03. 2010 Lycée François Arago. Perpignan

POUR APPROFONDIR

PRESENTATION SOMMAIRE DE L’IRAN

L’Iran est un pays d’Asie occidentale. Sa capitale est Téhéran et sa population était estimée à 72,5 millions d’habitants en 2008]. La langue officielle est le persan et sa monnaie le rial. La religion est l’Islam Chiite dont le représentant principal est l’Ayatollah.

CHRONOLOGIE SOMMAIRE

1906 Première constitution iranienne.
1909. Création de l’Anglo-Persian Oil Company (APOC, qui deviendra plus tard la British Petroleum – BP), chargée de la prospection, de l’exploitation et de la vente du pétrole iranien.
1921. Le colonel Reza Khan s’empare du pouvoir à Téhéran après un coup d’Etat militaire. Soutenu par les Britanniques, Reza Khan se fait proclamer chah de Perse. Il est couronné le 25 avril 1926 sous le nom de Reza Chah Pahlavi. 1932. Le chah annonce le retrait de toutes les concessions de l’Anglo- Persian Oil Company. Les Britanniques portent l’affaire devant la Société des nations (SDN).1933. Avril-mai :accord anglo-iranien sous l’égide de la SDN.
1934. 31 décembre :le royaume de Perse est rebaptisé Iran par un décret royal.
1935. 7 janvier : Reza Chah interdit aux femmes le port du voile et impose aux hommes l’obligation de s’habiller « à l’occidentale ».
1951. 15 mars : le Parlement vote la nationalisation de l’industrie pétrolière. Le 29 avril, Mohammad Mossadegh devient premier ministre.
1953. 19 août : un coup d’Etat militaire soutenu par le shah et par la CIA renverse le gouvernement du Dr Mossadegh.
1955. 1er juillet :l’Iran devient, avec le Pakistan et le Royaume-Uni, membre du pacte de Bagdad, un accord militaire conçu par les Américains et conclu le 24 février entre la Turquie et l’Irak afin de contenir l’influence de l’Union soviétique.
1960. 14 septembre :l’Iran, l’Arabie saoudite,le Koweït, l’Irak et le Venezuela créent l’Organisation des pays exportateurs de pétrole,( OPEP)
1963. Le shah lance la « révolution blanche », destinée à moderniser l’économie. Ces réformes et la mainmise américaine sont vivement critiquées par le clergé et par les grands propriétaires fonciers.
1964. Novembre :Le leader de l’opposition religieuse, l’ayatollah Ruhollah Khomeiny, est arrêté. Il sera exilé en Turquie, puis en Irak.
1967. 26 octobre : le shah se couronne lui-même « roi des rois » (shahinshah)
1975. 6 mars :signature d’un accord frontalier entre l’Irak et l’Iran, qui scelle leur réconciliation sur la question du Chatt Al-Arab.

La révolution islamique et République islamique d’Iran.

1977 Des voix s’élèvent parmi les intellectuels pour réclamer une libéralisation politique. Des dirigeants nationalistes sortis de la clandestinité – Karim Sandjabi, Darioush Forouhar et Chapour Bahktiar – adressent une lettre au roi pour lui demander de revenir aux principes constitutionnels de 1906 Octobre. Des rassemblements religieux à Qom et à Rey en faveur du retour de Khomeiny suscitent des affrontements avec la police. Novembre. Manifestations et révoltes à l’université de Téhéran. Elles sont brutalement réprimées.

1978 Janvier. A Qom, des manifestations de soutien à l’ayatollah Khomeiny se transforment en émeutes contre le pouvoir. La police tire sur la foule, faisant de nombreuses victimes.  Août. La loi martiale est décrétée à Ispahan après de violents affrontements qui ont fait une centaine de morts, puis étendue à Najafabad et à Homayounshar. Depuis l’Irak, Khomeiny appelle la population à continuer « jusqu’au renversement du régime d’oppression et de dictature ».
8 septembre. « Vendredi noir ». Après une manifestation qui a réuni la veille près d’un million de personnes à Téhéran et l’instauration de la loi martiale dans la nuit, l’armée tire sur des jeunes, faisant plusieurs dizaines de morts. De violents combats éclatent dans la capitale.
6 octobre. Khomeiny est expulsé d’Irak et s’installe à Neauphle-le-Château, en France.
18 octobre. L’opposition religieuse, les communistes et les nationalistes déclenchent une série de grèves générales dans tout le pays. La plus grande raffinerie d’Iran, à Abadan, cesse ses activités.
6 novembre. Le shah instaure un gouvernement militaire dirigé par le général Azhari.
12 décembre. Deux millions de personnes défilent à Téhéran pour demander le départ du shah.
31 décembre. Le général Azhari démissionne. Chapour Bakhtiar, un des chefs de file des nationalistes, est nommé premier ministre.

1979. Janvier. Après avoir constitué un Conseil de régence, le shah quitte le pays pour les Etats-Unis puis l’Egypte. Des affrontements à Ahwaz entre des unités de l’armée, alliées à des milices progouvernementales, et la population font des centaines de morts. Quatre millions de personnes défilent dans la capitale pour réclamer la démission du pouvoir et le retour de Khomeiny.Retour triomphal de Khomeiny en Iran. Il charge M. Mehdi Bazargan – figure historique de l’opposition – de former un gouvernement provisoire. A la suite d’une insurrection menée par les partisans de Khomeiny et une partie de l’armée, Bakhtiar démissionne de ses fonctions. Khomeiny annonce la victoire de la révolution et l’installation du nouveau gouvernement.
31 mars. Un référendum approuve à 98 % l’institution de la République islamique. 1er avril. Proclamation de la République islamique d’Iran.

 Le 4 novembre 1979, c’est la crise des otages en Iran: 56 membres du personnel de l’ambassade américaine à Téhéran sont pris en otage par des « étudiants islamistes », les preneurs d’otages veulent que les Etats-Unis leur livrent le Shah en exil. 13 sont libérés deux semaines plus tard, un en juillet 1980. Le président américain  (en pleine campagne présidentielle ) Jimmy Carter répond par un embargo économique et des pressions diplomatiques jugées insuffisantes. Les otages seront retenus 444 jours et seront libérés le 20 janvier 1980,  12 minutes après le discours d’investiture de Ronald Reagan … « America is back »…

Septembre 1980- Août 1988 Guerre Iran- Irak.  Initiée par l’Irak de Saddam Hussein qui redoute la montée en puissance de Khomeiny (Chiite) qui peut destabiliser son pouvoir ( Saddam Hussein est le dictateur de l’Irak, c’est un musulman Sunnite dans un pays majoritairement Chiite). Il prend pour prétexte le litige frontalier du Chatt-el -Arab pour attaquer l’Iran. (ce conflit fera l’objet d’une explication plus approfondie dans un post ultérieur.)

Irangate années  80, vente illégale d’armes à l’Iran par le gouvernement Reagan ( développé dans un post ultérieur)

L’IRAN TOUJOURS ISOLE
2002
Janvier. M. George W. Bush désigne l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord comme appartenant à l’« axe du Mal ».
2006,11 avril . Le président iranien , M. Mahmoud Ahmadinejad, annonce que l’Iran a « rejoint le club des pays disposant de la technologie nucléaire ».
23 décembre. Le Conseil de sécurité vote la résolution 1737, qui impose des sanctions sur le programme nucléaire iranien, mais n’autorise pas le recours à la force, et accorde deux mois à Téhéran pour suspendre l’enrichissement.
2007 24 mars. L’ONU adopte la résolution 1747, qui durcit les sanctions économiques et commerciales contre l’Iran

source, Olivier Pironet, Tempêtes sur l’Iran, Manières de voir,  Le Monde Diplomatique.

QUI DETIENT LE POUVOIR EN IRAN ?

Il y a deux personnalités importantes qui dirigent l’Iran. La première est le Guide Suprême (Ayatollah), c’est un représentant religieux qui détient le pouvoir à vie, il n’est pas élu, il est désigné par l’Assemblée des Experts (ensemble de 86 membres religieux élus pour 8 ans au suffrage universel direct) pour une durée indéterminée, potentiellement à vie.  Le deuxième personnage est le président de la République, il est élu mais n’a pas tous les pouvoirs contrairement au premier. Le Guide Suprême dirige l’Iran qui est une théocratie islamiste, rigide, autoritaire. Non seulement il peut démettre le président de la République de ses fonctions, mais il est aussi le chef des armées, et c’est à lui que revient la responsabilité de déclarer la guerre ou la paix. Il signe les décrets, il résout les problèmes, a la possibilité de pardonner ou réduire les peines des condamnés (il a la plus haute autorité du pouvoir judiciaire). De plus, il est le directeur de la radio et de la télévision d’État, en utilisant la censure. Le président élu est donc la « marionnette » du Guide Suprême. L’Iran est loin d’être une République démocratique.

DEFINITIONS

 Théocratie : Théo => Dieu //  Cratos => Pouvoir/ Mode de gouvernement fondé sur la souveraineté divine et où le pouvoir est exercé par les représentants de Dieu.

Guide Suprême : C’est le plus haut responsable politique et religieux en Iran. Ce concept est de consacrer la prédominance du religieux sur le politique

PARTI POLITIQUES EN IRAN

Il y a deux courants islamistes. L’Alliance conservatrice (c’est cette dernière qui exerce le pouvoir)  et la Coalition Réformiste. Il existe 73 partis politiques iraniens en exil.

Le président en Iran : Il est élu par le suffrage universel direct pour quatre ans, renouvelable une fois. Et doit être ratifié par le Guide Suprême et le conseil des Gardiens.

Critères pour être candidat :-Le candidat doit être une personnalité religieuse ou politique reconnue.-Être d’origine ou de nationalité iranienne.-Avoir de « bons antécédents ».-Être honnête, vertueux et dévoué à l’islam et au régime de la République islamique.

LES ELECTIONS PRESIDENTIELLES DE 2009 OPPOSAIENT 2 PRINCIPAUX CANDIDATS: Mahmoud Ahmadinejad, candidat du courant  conservateur et  Mir Hossein Moussavi  du courant  réformateur.

Mahmoud Ahmadinejad est né le 28 octobre 1956 à Téhéran, dont il devient le maire en 2003. C’est le président de la République d’ Iran depuis le 3 août 2005, réélu dans un contexte de fraudes le 12 juin 2009.    À la fin des années 1980, Mahmoud Ahmadinejad devient gouverneur de villes, de provinces pendant quatre ans. Il passe de gouverneur général, au conseiller au ministère de la Culture et de l’Orientation Islamique. Il a donc eu de nombreux succès politiques. C’est un homme important pour le pays même si il est accusé (surtout vis-à-vis des jeunes Iraniens) de malhonnêteté en ce qui concerne les élections.

Mir Hossein Moussavi est né en 1941 à Khameneh, est ancien premier ministre iranien ( 1981-1989).  Candidat  soutenu par les principaux partis « réformateurs », il est battu par Mahmoud Ahmadinedjad. Le scrutin fut contesté par des centaines de milliers de personnes qui manifestent durant plusieurs semaines.

LE VERT DANS L’ISLAM

Le vert est la couleur traditionnelle de l’Islam ( on la retrouve sur de nombreux drapeaux de pays ou partis musulmans) parce que c’était la couleur favorite du prophète Un passage du Coran décrit le paradis comme un endroit où les hommes  «porteront des vêtements verts de satin et de brocart. » Sourate l’Homme LXXVI, 21. Le Vert fait aussi référence à la Nature et la vie qui se développe dans un milieu désertique. Mahomed y fait référence lorsqu’il parle de « l’homme vert » Al  Khidr  a été ainsi nommé parce qu’il s’était assis une fois sur une terre blanche et stérile, qui par la suite devint luxueusement verte à cause de la végétation. » Hadith rapporté par Al-Boukhari.

OLIVIER LABAN- MATTEI

Olivier Laban- Mattéi lors des manifestations à Téhéran.

Olivier Laban Mattei est né en 1977. Il a grandit à Paris où il a étudié la géographie et la sociologie. Il devient photographe à titre personnel après avoir été influencé par les photos de la Guerre du Vietnam. Puis il commence à travailler en 1999 en tant que photographe dans une agence de presse. Après un passage par l’AFP il est aujourd’hui dans l’agence Polaris.

Il a gagné de nombreux prix : En 2006, il obtient le premier prix pour le meilleur reportage de l’année par Paris Match. 2007 Bendrihem’s  prize pour une photographie de Sarkozy pas encore Président. 2009 3ème au World Press et nommé au Festival international de photojournalisme de Gijon. 2010 deux fois nommé au « Pictures of the year international », au « Days Japan », au World Press Photo, à Fotoweek, à Bayeux.

En novembre 2010  il décroche pour la seconde fois le « Grand prix Paris Match du reportage photographique » pour sa série sur le tremblement de terre en Haïti.

 

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