João Silva. Photojournaliste …sacerdoce et sacrifice.


© João Silva, Irak 2010.

Aujourd’hui Paris-Match est  à la hauteur de sa devise « le poids des mots le choc des photos ». Entre une masse d’ « infos people » insignifiantes, la revue publie un article ainsi que les trois clichés pris par João Silva, blessé après avoir sauté sur une mine antipersonnel, le 23 octobre 2010 en Afghanistan… João Silva est une légende du photojournalisme, il fait partie de ce qui a été surnommé le Bang Bang Club, un groupe de photojournalistes ayant couvert la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud. Très gravement blessé aux jambes, João  Silva veut « shooter » encore et toujours… L’appareil qu’il avait en main ayant perdu son objectif, arraché par un éclat,  João Silva s’ est emparé de son deuxième appareil et a pris trois clichés alors qu’il était à terre. Ce sont des verticales, format imposé par la situation… terrible et lucide… « shooter » encore et toujours, il faut faire le job! Quelle morale tirer de ces photos ? Aucune. Juste une réflexion…depuis toujours les photojournalistes ou les journalistes tout court donnent leur vie pour nous donner des nouvelles du monde… Sacerdoce et sacrifice. Le travail de journaliste ne consiste pas seulement à relater des faits, il consiste à exposer sa vie pour révéler la réalité d’un monde dont nous nous désintéressons un peu trop. Aujourd’hui, les médias de masse abandonnent ce journalisme de fond pour proposer une information aseptisée illustrée par des visuels le plus souvent innocents, le tout saupoudré de faits divers inutiles. Audimat et divertissement…il y a quelque chose de pourri au royaume des médias.

Il suffit juste de regarder les derniers JT, mais aussi la Une de la presse écrite dans la semaine de Noël… « le froid », « la neige », «  Quels cadeaux pour Noël », « le retard d’un train », « Y aura-t-il du chapon ou de la dinde sur les tables ? », « comment digérer après les fêtes ? »… j’en suis écoeurée …et je me demande ce que pouvait penser João Silva hospitalisé  au Walter Reed Army Medical Center in Washington, DC, devant ces titres navrants (qui doivent sensiblement être les mêmes aux Etats-Unis ) , lui, amputé de ses jambes pour avoir voulu faire son boulot pour… nous… Parfois je pense à ce dialogue imaginé par  Michel Déon dans Madame Rose

« -Je le sais que mes articles sont de la merde, mais est-ce de ma faute si les lecteurs sont coprophages ? Je ne vais pas les laisser mourir de faim.
-Tu devrais. L’éthique…
-Dès que tu prononces le mot « éthique » on sait que tu es saoul.»   

Tout est dit ! Les lecteurs sont-ils coprophages ou est-ce plus facile de s’en convaincre ? Les médias de masse devraient y penser plus sérieusement et redonner au journalisme ses lettres de noblesse, au photojournalisme la place qu’il mérite…et le public… se remettre face à face avec un monde qui ne serait pas une illusion aseptisée… Non, le journalisme n’est pas mort ce sont nos consciences qui meurent.

Nous envoyons toute notre affection à João Silva et à sa famille. Nous avons aussi une pensée  pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier retenus depuis  UN AN en Afghanistan…ainsi qu’aux autres français retenus dans le monde.

Laetitia Canal-Cologni


© João Silva, Afghanistan, 2010…photos prises alors qu’il est blessé.

Pour soutenir  Joao Silva un site a été crée

 http://joaosilva.photoshelter.com/

www.joaosilva.co.za

http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Un-photographe-du-New-York-Times-saute-sur-une-mine-221742/

POUR APPROFONDIR

João SILVA

Est un photographe d’origine portugaise, vivant en Afrique du Sud. Il a commencé à travailler comme photoreporter en 1989, et couvre les violences en Afrique du Sud.

Il travaille pour Reuters, The Star, puis pour le New York Times qui l’engage en 2000

Il a reçu de nombreuses récompenses dont le Word Press: 2ème prix 2005 pour la catégorie  « Problèmes contemporains » et la Mention Honorable 2006,  pour la catégorie « the Spot News Stories  »

 Livres

Greg Marinovich: The Bang-Bang Club: Snapshots from a Hidden War, Basic Books; First Trade Paper Edition edition, 2001.

In the Company of God, STE Publishers, 2005 

Le Bang-Bang Club

 C’ est le surnom donné par la presse sud-africaine à une groupe de photojournaliste (le magazine « Living » les baptise les « Bang Bang Paparazzi »…eux préfèrent s’appeler le « Bang-Bang Club ». Ce groupe est composé de Kevin Carter, Greg Marinovitch, James Nachtwey, Ken Oosterbroek et  João Silva qui couvraient les violences dans les townships au moment de l’apartheid ( années 90). Téméraires et engagés, proches de l’ANC ils ont payé souvent très cher leur volonté d’informer:

Ken Oosterbroek a été tué par balle le 18 avril 1994 en Afrique du Sud

Greg Marinovich a été blessé par balle le 18 avril 1994 en Afrique du Sud.

Kevin Carter s’est suicidé le 27 juillet 1994 suite à la mort de son camarade et à la vive polémique qui avait suivi l’attribution du Pulitzer à son cliché « L’enfant et le vautour. »

João  Silva a perdu ses deux jambes en sautant sur une mine en Afghanistan le 23 octobre 2010

©Greg Marinovich, Ken Oosterbroek (qui est mortellement blessé) et João Silva, Thokosa, le 18 avril 1994.

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