Yougoslavie….Guerres et Génocides.


© Alexandra Boulat, massacre d’Obrinje, Kosovo, 1999.

En 1991 la disparition du bloc soviétique provoque l’explosion de la Yougoslavie… font sécession : la Slovénie (juin 1991),la Croatie (juin 1991), la Bosnie-Herzégovine (octobre 1991), la Macédoine (septembre 1991). Mais l’ethnie dominante, Serbe, ne l’entendait pas ainsi. De ce fait, de 1991 à 1999, une série de guerres dévasta la Yougoslavie. Alexandra Boulat a couvert l’ensemble de la période et a été primée par le Grand Prix Paris Match pour sa série sur le Kosovo. Elle racontait cette période en ces termes : « J’ai couvert ce conflit jusqu’à l’écoeurement. J’ai vu à l’œuvre, toujours et encore la même hystérie lorsque les Serbes s’efforçaient de mettre leur emprise sur les républiques désireuses de se séparer de la Yougoslavie. Pendant presque dix ans, j’ai accompagné au cimetière des milliers de personnes, Croates morts pour la Croatie, Serbes pour la Grande Serbie, Bosniaques parce qu’ils étaient Bosniaques et à la fin Albanais, au Kosovo, parce qu’ils en avaient assez des Serbes. Tout au long du chemin, ma vision de l’humanité s’est assombrie et tant d’atrocités m’ont fait prendre conscience de la présence du Démon sur la Terre. »

Cette photo, prise au Kosovo en 1999, est un témoignage des crimes de guerres et crimes contre l’humanité qui se sont multipliés sur les différentes zones de conflit. Ce cliché montre le massacre d’ Obrinje. Le 26 septembre 1999 21 Kosovars ont été assassinés par les forces Serbes alors qu’ils se cachaient dans les bois. Des civils, hommes, femmes, enfants et vieillards ont été exécutés. Ce gros plan sur la main d’un cadavre, blanchâtre et violacée, émergeant des feuilles de la forêt est poignant. C’est une main qui dit tellement avec une économie de moyens : doigts nets, environnement flou, un rayon de lumière au premier plan vient transpercer le regard et contraste avec l’arrière-plan sombre. Cette main focalise tout notre regard. C’est une main qui implore. La découverte de ces atrocités à Obrinje a soulevé l’opinion publique internationale et exercé une pression politique sur le gouvernement yougoslave pour cesser ses exactions.

La situation du Kosovo est l’un des nombreux conflits qui ont agités la Yougoslavie dans les années 90.

Laetitia Canal-Cologni

POUR APPROFONDIR

ALEXANDRA BOULAT

Alexandra Boulat (née le 2 mai 1962 à Paris , décédée le 5 octobre 2007 à Paris) était une photographe française connue pour son travail sur les zones de guerre. Photojournaliste de réputation internationale, elle a couvert la plupart des conflits des vingt dernières années, en ex-Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan ou en Palestine. Alexandra Boulat était la fille du photographe français Pierre Boulat, qui travailla longtemps pour le magazine américain Life et de la fondatrice et directrice de l’agence Cosmos, Annie Boulat. Elle fit des études de dessin et d’histoire de l’art à l’École des beaux-arts de Paris. En septembre 2001, elle co-fonda avec six autres photographes — parmi lesquels l’ancien photographe de Magnum James Nachtwey — l’Agence VII. Avant cela, elle était représentée par l’agence Sipa Press et par l’agence de sa mère, Cosmos. Son travail a été publié dans de nombreux magazines, parmi lesquels : Time, Newsweek, Paris-Match, Géo et le National Geographic Magazine.

Alexandra Boulat a été récompensée par de nombreux prix: Visa d’or pour l’image du Festival de photojournalisme Visa pour l’image de Perpignan en 1998 et le Grand Prix Paris Match du photojournalisme 1998, l’Infinity Award du photojournalisme en 1999, le World Press en 2003, ou encore le Prix de la meilleure femme photographe aux Oscars Bevento (Italie) en 2006. Installée à Ramallah depuis 2006, elle a particulièrement couvert la situation dans la bande de Gaza et le conflit inter-palestinien. Au mois de juin 2007, alors qu’elle était en reportage pour Paris-Match à Ramallah en Cisjordanie, elle fut victime d’une rupture d’anévrisme, rapatriée à Paris, elle est décédée sans le 5 octobre 2007.(wikipedia)

Alexandra Boulat, Éclats de guerre, préface de Bernard-Henri Lévy, 224 pages, Éd. des Syrtes, Paris, 2002
Alexandra Boulat, monographie parue aux Éditions Nicolas Chaudun, 176 pages, 2010
Agence VII

POUR ALEXANDRA BOULAT.

Ce jour-là, j’avais décidé de visiter plusieurs expositions Visa pour l’image au couvent des minimes. Ce jour-là j’ai commencé par « Voyons- Voyons », rétrospective de la photojournaliste Alexandra Boulat. Ce jour-là, j’ai vu, plus que des photos, plus que des sujets traités avec talent ou génie…oui bien plus que cela…j’ai vu le monde par son regard…horreur, lâcheté, dégout, misère, fragilité, délicatesse, grâce, espièglerie. Il y avait dans ses photos une maîtrise si consommée de la technique et une évocation si naturelle des sentiments., un sens si aigu de « l’instant qui compte »! Alexandra Boulat portait  ses photos vers la perfection en toute modestie, avec conviction, avec force, avec tendresse, avec justesse.  Par le photojournalisme, Alexandra Boulat répondait à un appétit aussi élémentaire que généreux: chercher l’Autre. Ce jour-là, j’ai vraiment vu la grandeur et la décadence du monde et j’en suis restée terriblement habitée. Ce jour-là, je n’ai rien pu voir d’autre et je suis restée face à face avec Elle.

Laetitia Canal-Cologni

LES CONFLITS EN YOUGOSLAVIE

La Yougoslavie réunissait les Slaves du Sud, cet état fût fondé le 1 décembre 1918 et disparaît sous l’occupation allemande en avril 41. Après la libération de la Yougoslavie sous l’égide de Tito, le roi Pierre II est déposé le 29 novembre 1945, Tito fonde la République fédérative populaire de Yougoslavie. En 1991 la disparition du bloc soviétique entraîne l’explosion de la Yougoslavie… font sécession : La Slovénie (indépendante le 25 juin 1991, entrée dans l’UE le 1 mai 2004). La Croatie (déclaration d’indépendance le25 juin 1991, reconnaissance le 15 janvier 1992. La Bosnie-Herzégovine (déclaration d’indépendance en octobre 1991, confirmée par référendum en mars 1992). La Macédoine (indépendance en septembre 1991). Mais l’ethnie dominante, Serbe ne l’entendait pas ainsi. De ce fait de 1991 à 1999, une série de guerres dévasta la Yougoslavie.

Guerre en Slovénie (1991) connue sous le nom de guerre des Dix Jours ;

Guerre en Croatie (1991-1995) . La guerre de Croatie, ou guerre d’indépendance croate, s’est déroulée entre août 1991 et novembre 1995, à l’issue de l’effondrement de la fédération yougoslave et a opposé la République de Croatie nouvellement indépendante à l’Armée populaire yougoslave et à une partie des Serbes de Croatie.

Guerre en Bosnie (1992-1995) La guerre de Bosnie-Herzégovine (souvent appelé Guerre de Bosnie par abus de langage) est une guerre entre les peuples Serbes, Croates et Bosniaques ayant eu lieu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et ayant impliqué principalement la Yougoslavie (RFS Yougoslavie puis RF Yougoslavie), la Serbie, la Croate et les différentes entité de l’actuelle Bosnie-Herzégovine. Elle débuta le 6 avril 1992 lorsque l’armée populaire yougoslave attaqua la Bosnie-Herzégovine, qui venait de déclarer son indépendance le 1er mars. La guerre s’est achevée par les Accords de Dayton le 14 décembre 1995.

Guerre au Kosovo (1996 puis mars 1998-juin 1999) oppose Serbe et Kosovars pour l’indépendance de ces derniers.

Conflit en Macédoine (2001) Ce conflit  était une insurrection armée menée par l’Armée de libération nationale , organisation d’origine kosovare, contre le gouvernement de la République de Macédoine. Cette organisation manifestait ainsi la volonté des Albanais de Macédoine d’accéder à plus d’autonomie et de reconnaissance de la part de l’État. .

 

   ©Alexandra Boulat, Civils armés se réjouissant de la prise de Vukovar, Croatie, nov, 1991

LES ENJEUX 

Pour expliquer l’explosion de la Yougoslavie on avance souvent les arguments suivants
– la thèse des haines interethniques saupoudrées d’ antagonismes religieux ( Croates catholiques, Bosniaques musulmans et Serbes Orthodoxes) renvoie dos à dos les protagonistes mais c’est une explication un peu courte.

– le nationalisme « serbo-communiste ». L’éclatement du pays et la crise du projet socialiste ayant simplement poussé les bureaucrates de l’ancien parti unique à troquer leur habit « communiste autogestionnaire » contre une défroque nationaliste.

Pas faux, mais la réalité est plus complexe. La Yougoslavie communiste n’avait pas entretenu une unité artificielle qui a explosé comme une cocotte-minute à la disparition du régime, elle avait réussi à former une unité, certes fragile et inégalitaire et sous la pression d’un régime dictatorial, tout en conservant les particularismes identitaires de chaque région…au moins pendant la période du titisme

LE TITISME AVAIT-IL FORGE UNE UNITE YOUGOSLAVE ?…

Après 1948 Tito, dirigeant Yougoslave rompt avec Staline et construit une voie socialiste propre à la Yougoslavie : c’est le titisme. Il arrive, non sans violence et iniquité, à forger une forme d’unité nationale en s’appuyant sur 3 facteurs :

■Le ciment antifasciste : En 1946 la Yougoslavie s’est reconstruite contre un ennemi extérieur (les régimes fascistes Allemand et Italien) qui a constitué une sorte de ciment. Dans les années 90, au contraire, il n’y avait plus d’ennemi extérieur commun mais plutôt des intérêts divergents…l’Allemagne était attractive en Slovénie et en Croatie, et perçue comme l’ennemi héréditaire en Serbie.
■Suite au printemps croate au début de l’année 1970, durement réprimé, Tito a accordé en 1974 une constitution fédérale qui donnait plus d’autonomie aux républiques en donnant notamment le droit de faire sécession. Droit qu’elles utilisèrent 20 ans plus tard.
■Par ailleurs sur le plan économique, le titisme développe l’autogestion. Les entreprises sont gérées par des dirigeants théoriquement élus par les travailleurs. La notion de rentabilité est appliquée de manière générale, avec l’abandon de la planification économique. La Yougoslavie devient un des pays les plus prospères de la sphère soviétique. De ce fait, le titisme a instauré une véritable identité Yougoslave qui s’est forgée tout en gardant une identité serbe, croate, slovène ou albanaise.
Cette politique est abandonnée à la mort de Tito.

LA DISPARITION DU TITISME ET LE RETOUR DES TENSIONS

Le parti unique, le manque de transparence et de cohérence dans les choix économiques ont facilité la prolifération d’une bureaucratie décentralisée, corrompue et absurde réduisant à néant les évolutions « positives » de la Yougoslavie. La répression des tensions sociales et nationales vont pousser au chacun-pour-soi. L’écart de revenu national par habitant s’est creusé entre Républiques dotées d’une démographie et de structures de production très différentes. Bref, on était loin des haines interethniques comme seules causes de la crise. En revanche, la crise elle-même a nourri la montée des nationalismes. En 1989 M. Slobodan Milosevic remit en cause toute autonomie présentée comme « antiserbe », il abolit le statut particulier du Kosovo et de la Voïvodine.

Le nationalisme en fait …des nationalismes …En Yougoslavie plusieurs variantes de nationalismes vont s’affirmer. En Serbie M. Slobodan Milosevic exploitera un nationalisme neocommuniste pour consolider son pouvoir à la tête de son parti « socialiste » au début des années 90.

En Croatie le nationalisme fut porté par des démocrates qui affichaient un farouche anticommunisme et une ouverture européenne.

Mais, pour les dirigeants croates, le Kosovo devait rester une affaire intérieure à la Serbie pour que la question des Serbes de Croatie restât une affaire intérieure croate. Les dirigeants serbes défendaient le droit du peuple serbe à se retrouver dans le même Etat mais le refusaient aux Albanais. Le pouvoir croate refusait aux Serbes de Croatie ce qu’il tentait d’imposer pour les Croates de l’Herceg-Bosna.

©Alexandra Boulat, Sniper Alley , Sarajevo, Bosnie-Herzégovine, oct 1993

LA REACTION DES PAYS EUROPEENS

L’éclatement de la Fédération multinationale yougoslave a placé les Occidentaux devant des contradictions majeures sur la question du droit des peuples. Au lieu de chercher à protéger les communautés les plus menacées, ils prirent fait et cause pour les nations dominantes et leurs alliés « traditionnels » : la Croatie et la Slovénie pour l’Allemagne, la Serbie pour la France. Ils n’eurent aucune approche systématique des questions nationales imbriquées sur cet espace balkanique. La question du droit à l’autodétermination se posait. Fallait-il reconnaître un droit des peuples (au sens ethnico-national) ou des Etats ? Devait-on assimiler le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes à la constitution d’un Etat séparé ? Quelle place accorder aux minorités ?

Le but proclamé des gouvernements occidentaux – stabiliser dans les Balkans une communauté d’Etats vivant en paix – eut de terribles contreparties : crimes de guerre impunis, l’injustice dans le traitement des questions nationales et le creusement des écarts de développement nourriront des conflits durables.

Bref …L’explosion de la Yougoslavie c’est l’échec des états multiethniques sous un régime communiste centralisé (malgré la parenthèse titiste voir ci-dessus), c’est l’explosion des antagonismes thnico-religieux, c’est la manipulation du nationalisme à des fins bassement politiciennes et idéologiques, c’est aussi l’échec de la politique européenne qui, tiraillée par les intérêts des nations, n’a pas appréhendé la question dans sa globalité. Au milieu du désastre…des civils, l’épuration ethnique et le naufrage de toutes les valeurs qui construisent le projet européeen.

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