Tunisie: révolution de jasmin…minée?


© Lucas Mebrouk Dolega/ EPA
Nous avons changé de photo d’ouverture pour rendre hommage au photographe Lucas Mebrouk Dolega gravement blessé par un tir de la police tunisienne et mort des suites de ses blessures.

© Fethi Belaid/ AFP

Ce 14 janvier 2011, Ben Ali dirigeant autocrate a été, contre toute attente, poussé à quitter le pouvoir par la révolution de Jasmin (P Vermeren). Ce qui ne semblait être qu’une révolte socio-économique (contre la montée des prix des denrées de base, contre le chômage de masse) s’est transformé en une insurrection qui a eu raison du pouvoir de Ben Ali qui dirige la Tunisie depuis 1987…après avoir évincé le « héros » de la révolution tunisienne: Habib Bourguiba. Bye bye et bon vent Ben Ali serait-on tenté de dire…
Après avoir  ouvert la boite de Pandore, pour le meilleur de leurs droits, la question est de savoir comment les Tunisiens vont la refermer dans la paix, la démocratie et le respect du peuple.
Plongés dans l’Histoire qui se construit, dans le journalisme le plus immédiat, les photographes nous proposent leur regard immergé dans les manifestations…on note la masse, la force d’engagement des manifestants, la violence de la répression, puis à certains endroits, la fraternisation entre les forces militaires et les manifestants, on remarque également quelques clichés « prophétiques »…cette photo de Fethi Belaid pour l’AFP, qui présente une affiche de propagande à la gloire du président autocrate contrastant avec un environnement d’émeute, a été prise bien avant l’annonce du départ de Ben Ali…elle souligne ce pouvoir si sûr de lui, qui vacille puis s’effondre d’un coup, sous l’ampleur de l’opposition. Le salut de Ben Ali au peuple, ironie de l’histoire, annonce déjà son départ par la porte de secours…direction Arabie- Saoudite… Lui qui avait déposé Bourguiba par des manoeuvres politiciennes est renversé par l’ire du peuple opprimé…Le président du Parlement tunisien, Fouad Mebazaa a prêté serment et devient donc le président tunisien par intérim…il doit composer un gouvernement provisoire d’union nationale mais surtout doit faire cesser le climat insurrectionnel en Tunisie…Aujourd’hui, l’inquiétude est de mise, le président par intérim est-il vraiment  en mesure de ramener la stabilité et d’assurer la sécurité? Pourquoi  l’état français, si proche de Ben Ali, se contente-t-il d’un « soutien déterminé » si laconique et si léger…  gel des avoirs de Ben Ali? Quelles sont les mesures prises  pour ses ressortissants? Pourquoi les informations diffusées par nos médias sont-elles si contradictoires et partielles?

Incertitudes et espoirs …ou comment terminer une révolution dans l’honneur sans verser dans l’horreur?

Laetitia Canal-Cologni.

© Lucas Mebrouk Dolega/ EPA

Son portfolio est publié par le Télégramme de Brest

http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/monde/tunisie-le-photographe-francais-serait-toujours-en-vie-16-01-2011-1176349.php

© Lucas Mebrouk Dolega/ EPA

Le 15/01, un photographe français Lucas Mebrouk Dolega, a été touché en pleine tête par un tir tendu de grenade à gaz lacrymogène, tiré à bout portant   par la police anti-émeute tunisienne. Plongé dans le coma,  il est hospitalisé entre la vie et la mort à Tunis. Sa famille a réussi à le rejoindre, aujourd’hui, à Tunis.

Voir le blog « à l’oeil » de Michel Puech et l’article sur le site lemonde.fr, ci-dessous:

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/01/15/un-photographe-francais-entre-la-vie-et-la-mort-a-tunis_1466203_3212.html#ens_id=1245377

ainsi que l’article de Michel Puech régulièrement actualisé:

http://www.mediapart.fr/club/blog/michel-puech/140111/tunis-un-photojournaliste-tres-gravement-blesse-par-la-police

Suivre le portfolio de Pierre Terdjman, Bruno Stevens Stern et Capucine Bailly sur l’agence Cosmos

©Pierre Terdjman/Cosmos

POUR APPROFONDIR

Capitale Tunis Superficie 163 610 km2

Démographie Population (estimation INED, en millions) 10,1

Composition de la population (en %) Arabes (maj.) et Berbères (98 %), Européens (1 %), autres (1 %).

Population urbaine  63 %. Principales villes : Tunis (1,8 million d’habitants), Sfax (250 000), Sousse (125 000), Kairouan (105 000), Bizerte (100 000).

Densité (hab./km²) 61,7

Espérance de vie (années) 0,762

Indicateur du développement humain, décroissant de 1 à 0 (classement mondial selon l’IDH) 0,762 (95e sur 179

Taux d’alphabétisation (%) 73

Croissance démographique annuelle (%)  1,1

Religions: Islam  sunnite de rite malékite (officielle) 85 %, de rite hanafite 15 %, 18 000 catholiques, 2 000 juifs.

Langue(s)Langue officielle : arabe. Autres langues : arabe dialectal, français (parlé), langues berbérophones.

Institution(s) politique(s) République. Le président, musulman, est élu pour 5 ans au suffrage universel. Parlement : Assemblée nationale (182 membres dont 163 élus pour 5 ans au suffrage universel et 19 réservés aux candidats de l’opposition et répartis à la proportionnelle). Divisions administratives : 23 gouvernorats divisés en 254 délégations, 2 044 secteurs (imadas), 257 municipalités, 154 conseils ruraux.

Économie
Monnaie dinar tunisien
Principales ressources Pétrole, gaz naturel, phosphates. Tourisme. Agriculture : céréales, olives, vigne.
PNB-PPA par habitant (à parité de pouvoir d’achat) (en dollars) 8 255

Croissance annuelle (en %) 4,8

RAPPEL INDEPENDANCE TUNISIE La Tunisie était un protectorat depuis 1881 (traité de Bardo). Il conservait donc l’apparence d’un gouvernement autonome avec un chef  autochtone : le Bey de Tunis . Mais en fait, le pouvoir réel appartient au Résident Général qui représente la France. Après la 2nde Guerre Mondiale, la France cherche à différer l’évolution vers l’indépendance. Celle-ci est revendiquée par des mouvements nationalistes. En Tunisie, le parti du Néo Destour fondé en 1934 par Habib Bourguiba. Ces mouvements s’opposent à la domination française par des grèves et des actions terroristes. En 1950, Bourguiba est emprisonné. Avec l’arrivée de Pierre Mendès France au gouvernement en 1954, des négociations sont engagées. Dès 1954, le gouvernement Mendès-France accorde l’autonomie interne à la Tunisie qui proclame son indépendance le 20 mars 1956.

Dans ce pays, la communauté française n’était pas aussi importante qu’en Algérie, mais la plupart des Français regagnent la métropole. La coopération de la Tunisie et du Maroc avec la France est difficile après 1956, en raison du soutien qu’ils apportent à la cause algérienne

20 mars 1956, La France reconnaît l’indépendance de la Tunisie, 18 jours après avoir reconnu celle du Maroc. Le traité du Bardo signé en 1881 qui établissait le protectorat français dans le pays est abrogé. La signature du protocole d’indépendance ne s’est pas faite sans heurts : deux colons français ont été assassinés et les attentats se sont multipliés.

Après les élections d’avril 1956, Habib Bourguiba devient chef du gouvernement. Il proclamera la République tunisienne en juillet 1957 et en deviendra le premier président.

BEN ALI

Zine el-Abidine Ben Ali (arabe : زين العابدين بن علي), né le 3 septembre 1936 à Hammam Sousse, est un homme d’État tunisien, président de la République du 7 novembre 1987 au 14 janvier 2011

Après divers postes au sein de l’armée et de la sûreté nationale, il devient ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Rachid Sfar puis remplace ce dernier comme Premier ministre. Il finit, lors de ce qui est considéré souvent comme un coup d’État, par déposer le président Habib Bourguiba, officiellement, « pour raisons médicales » et lui succède en sa qualité de dauphin constitutionnel. Son accession au pouvoir intervient à une époque où le pays est en proie aux luttes de succession, dont il fait partie, aux tensions politiques et économiques et à la montée de l’intégrisme, et avec une opinion publique partagée, selon Michel Camau, entre « le soulagement et le regret ».

Sous sa présidence, l’économie tunisienne était classée en 2007 première en termes de compétitivité économique en Afrique, selon le Forum économique mondial. Toutefois, sur le plan des libertés, des organisations non gouvernementales et des médias étrangers dénoncent régulièrement sa politique sur les droits de l’homme, inclinant vers la dictature, notamment par la répression de ses opposants et les atteintes à la liberté de la presse.

La Révolution de jasmin le contraint à quitter le pays le 14 janvier 2011.

A lire

« Habib Bourguiba. Le combattant déchu », Midi 2, Antenne 2, 7 novembre 1987

« Le remplacement du vieux Bourguiba par le jeune Ben Ali a permis à la classe dirigeante de prévenir une issue violente à la crise profonde qui divisait la Tunisie en 1987, du fait du développement et de la répression du mouvement islamiste. Le changement de leadership a pu stopper, ou du moins suspendre une évolution imprévisible et chaotique de la situation. De ce fait, bien qu’intervenant dans un climat de crise, le changement a été généralement bien accueilli par une population partagée entre « le soulagement et le regret » (Camau 1987). »

Momar Coumba Diop et Mamadou Diouf [sous la dir. de], « La succession de Bourguiba », Les figures du politique en Afrique. Des pouvoirs hérités aux pouvoirs élus, coll. Bibliothèque du Codesria, éd. Karthala, Paris, 1999, p. 219

Africa Competitiveness Report 2007 (Forum économique mondial)

Pierre Vermeren, « Tunisie : le goût amer de la Révolution de jasmin « , L’Express, 14 janvier 2011

Jean-Pierre Tuquoi, « Ben Ali l’inconnu », Le Monde, 25 mai 2002

Discours du 7 novembre 1987 suivi de sa traduction en français

CHRONOLOGIE D’UN MOIS DE REVOLTE (source 20 minutes)

17 décembre 2010 – Mohamed Bouazizi, marchand ambulant âgé de 26 ans, s’immole par le feu devant un bâtiment administratif de Sidi Bouzid (centre) pour protester contre la confiscation de sa marchandise de fruits et légumes. Des commerçants rejoints par des jeunes qui dénoncent le manque de travail se rassemblent aussitôt pour manifester.

19 décembre – Les manifestations de Sidi Bouzid prennent de l’ampleur et la police fait usage de gaz lacrymogène.

24 décembre – Le mouvement gagne Bouziane, 240 km au sud de Tunis, où un manifestant, Mohamed Ammari, est tué d’une balle dans la poitrine lorsque la police, qui assure agir en état de légitime défense, ouvre le feu sur les contestataires.

27 décembre – Un millier de jeunes diplômés au chômage manifestent à Tunis et sont dispersés à coups de matraques. Des témoins font état d’une douzaine de blessés.

28 décembre – «Qu’une minorité d’extrémistes et d’agitateurs à la solde d’autrui et contre les intérêts de leur pays ait recours à la violence et aux troubles dans la rue (…) est inacceptable», affirme le président Ben Ali dans sa première allocution télévisée depuis le début des troubles.

29 décembre – Le chef de l’Etat nomme un nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports.

5 janvier 2011 – Décès du marchand de primeurs Mohamed Bouazizi.

6 janvier – Plusieurs milliers d’avocats se mettent en grève pour dénoncer la répression policière, tandis que les manifestations contre la pénurie d’emplois qualifiés et les entraves aux libertés publiques se poursuivent.

9 janvier – Les autorités font état de 14 morts après les affrontements de la veille entre manifestants et forces de l’ordre à Thala, à Kasserine et à Regueb. «Le message a été reçu. Nous allons examiner ce qui doit être examiné, nous allons corriger ce qui doit être corrigé, mais la violence est une ligne rouge», affirme alors le ministre de la Communication, Samir Labidi, porte-parole du gouvernement.

10 janvier – Le président Ben Ali intervient pour la deuxième fois à la télévision et dénonce des «actes terroristes» qu’il impute à «des éléments étrangers». Il promet en outre 300.000 créations d’emplois en deux ans.

11 janvier – Les violences gagnent la banlieue de Tunis au son de «Ben Ali, nous n’avons plus peur». Samir Labidi, porte-parole du gouvernement, fait état de 21 morts depuis le début des troubles. «Tous les autres chiffres donnés par la télévision et les agences qui parlent de 40 à 50 (morts) sont totalement faux», ajoute-t-il.

12 janvier – Le chef de l’Etat limoge le ministre de l’Intérieur, Rafik Belhaj Kacem. Un couvre-feu est décrété.

13 janvier – Le président annonce à la télévision qu’il ne briguera pas de nouveau mandat en 2014, ordonne aux forces de l’ordre de ne plus faire usage de leurs armes et promet la liberté de la presse. Son discours donne lieu à une explosion de joie dans la capitale. En France, où il vit en exil, l’opposant Moncef Marzouki parle d’une centaine de morts depuis le début des événements.

14 janvier – Nouvelle manifestation à Tunis pour réclamer le départ immédiat de Ben Ali. Vers 15h15 (GMT), le chef de l’Etat annonce le limogeage du gouvernement et la tenue d’élections législatives anticipées dans les six mois. Trois-quarts d’heure plus tard, il décrète l’état d’urgence et impose le couvre-feu dans tout le pays. Deux heures et demi plus tard, le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, annonce que Ben Ali est temporairement dans l’incapacité d’exercer ses fonctions et déclare assumer la charge de président par intérim jusqu’à des élections anticipées. En fait, Ben Ali a quitté en cachette la Tunisie.

15 janvier – L’Arabie saoudite confirme peu avant 1h (GMT) que Ben Ali et son épouse se trouvent sur son sol pour une durée indéterminée.

Difficile de donner un bilan de l’insurrection, celle-ci aurait fait 70 morts.

Témoignage d’un expatrié français à Tunis ( lemonde.fr)

Ce qui ressort de ce témoignage c’est

La force de ce mouvement que personne n’a anticipé et qui s’explique par des années de dictature mais aussi la corruption et l’arrogance ostentatoire du pouvoir et surtout du clan Trabelsi ( belle-famille de Ben Ali) Lire à ce propos La Régente de Carthage de de Nicolas Beau et Catherine Graciet

2° La désorganisation générale actuelle qui s’explique par un pouvoir théoriquement exercé par le président du parlement mais en réalité vacant. Les milices et la police entretiennent un climat de peur et de violence.

3° L’étrange silence des autorités françaises qui, suite à deux réunions gouvernementales, se contentent d’annoncer le gel des avoirs de la famille Ben Ali et de proclamer un soutien déterminé au peuple tunisien…à part ça black out total…

Quelle est votre situation ?

En ce moment, je suis avec deux de mes collègues, deux autres expatriés français, dont l’un est marié avec une tunisienne. On habite tous chez lui. On n’a pas bougé depuis trois jours. Jeudi, on a été travailler normalement. Comme nos locaux sont dans le centre de Tunis, on suivait attentivement l’évolution des événements. A treize heures, la manifestation est arrivée vers chez nous. On a appris par Facebook qu’il y avait eu des tirs de lacrymo. La société a été fermée et on est rentré chez nous. Depuis on reste cloîtré. On est dans un quartier résidentiel de Carthage, à peu près à un kilomètre du Palais présidentiel. C’est un endroit habituellement assez calme et sécurisé, mais dans la nuit de vendredi à samedi, la situation s’est tendue. Il y a eu des coups de feu. A un kilomètre de chez nous, entre Carthage Salambo et le Kram, il y a eu des émeutes, c’était le chaos. Impossible de sortir pour voir ce qu’il se passait, on savait que l’armée avait ordre de tirer. Samedi matin, on est ressorti pour la première fois depuis jeudi pour trouver de l’eau et des provisions.

A quoi ressemble l’extérieur ?

Il y a eu beaucoup de dégâts. La plupart des grandes surfaces ont été saccagées. Les commerces qui ont été épargnés sont fermés. On a quand même pu s’approvisionner dans une épicerie de la ville d’à-côté. Après, c’est assez paradoxal. Il y a beaucoup de monde dans les rues, on a même vu des cafés ouverts avec des gens en terrasse, pendant que d’autres étaient en train de construire une barricade devant un magasin. La tension n’est pas retombée. On a passé plusieurs contrôles de l’armée. L’épicier a reçu l’info que d’anciens flics circulaient dans le quartier au volant d’une voiture banalisée. Il nous a conseillé de rentrer chez nous.

Parce que vous êtes français ?

Je ne pense pas, mais c’est vrai qu’on était curieux de voir le regard des Tunisiens envers les Français. On a vraiment eu peur avec toute la confusion qui régnait autour de l’avion de Ben Ali. On a tous poussé un grand ouf de soulagement quand on a su qu’il n’atterrirait pas en France. Forcément, ça aurait eu des répercussions et compliqué notre situation, qui n’est déjà pas simple, avec le soutien de Sarkozy à Ben Ali et les “services” offerts par Michèle Alliot-Marie au pouvoir tunisen.

Etes-vous en contact avec d’autres expatriés ?

En dehors de mes collègues et d’un autre gars dans ma situation, pas vraiment, non. Mais heureusement on est en contact permanent via Facebook avec d’autres amis tunisiens. Ils habitent aux alentours et ça nous permet de savoir ce qu’il se passe à côté de chez nous. Ils se sont organisés en réseau.Chacun informe les autres de l’évolution de la situation dans son quartier. Dans les médias français, l’information arrive souvent avec une demi-heure ou une heure de retard. Et puis ils ne transmettent que les actualités les plus spectaculaires. Ce n’est pas ce qui nous intéresse en priorité, on recherche plutôt des infos de proximité. Au début de la semaine, ils se servaient des réseaux sociaux pour relayer le mouvement général et les revendications vers l’extérieur, mais maintenant ils les utilisent aussi pour l’information interne.

Avez-vous reçu des instructions de la part des autorités françaises ?

Aucun signe. Vendredi soir on a été voir sur le site internet du consulat. A part quelques consignes générales sans grand intérêt, il n’y avait rien, pas même un numéro d’urgence. Ici, des numéros circulaient, mais aucun ne fonctionnait quand une amie tunisienne a essayé de les appeler alors que des gens essayaient de lui défoncer sa porte. Finalement, ce sont des voisins qui sont intervenus pour l’aider.On n’est pas armé, mais comme tout le monde, on cède à la psychose. On en n’est pas fier, mais on a rassemblé des couteaux, des pelles, des pioches et tout ce qu’on a pu trouver pour éventuellement se défendre. (…) Les gens ne veulent pas d’une autre dictature.

Aviez-vous vu venir ces événements ?

Non, c’était inimaginable. Tout le monde pensait que Ben Ali tiendrait. Je me souviens, la première fois que je suis venu en Tunisie, c’était pour un remplacement. Comme ça s’est fait rapidement, je n’avais pas eu le temps de me renseigner sur le pays. C’est dans l’avion, en lisant les journaux, que j’ai compris que j’arrivais en dictature. Il y avait cinq pages de propagande à la gloire de Ben Ali. J’avais déjà entendu parler du culte de la personnalité, mais là, j’ai compris ce que c’était.

Ca fait cinq ans maintenant que je suis en Tunisie et sincèrement, je n’ai rien vu venir.
A l’époque tout le monde en avait déjà ras-le-bol, mais ça ne s’exprimait pas vraiment, on ne parlait pas de politique, ou alors qu’avec des proches en qui on a vraiment confiance. Et puis, ça s’est fait progressivement. Ces derniers temps, c’était devenu intolérable, les proches de Ben Ali affichaient des styles de vie exubérants, les gens ne le supportaient plus. Ils en avaient marre de ce pouvoir, de sa censure et de sa police corrompue. On m’a toujours dit : si tu te fais cambrioler, n’appelle surtout pas la police. Le seul rapport que j’ai eu avec eux, c’était lors de contrôle d’identité où ils trouvent toujours un moyen pour extorquer 20 dinars.

Avez-vous déjà perçu des changements ? On a accès à des sites comme Dailymotion ou Youtube qui étaient jusqu’ici interdits. Et puis c’est hallucinant de voir le changement dans les médias. Hier, il y a eu un débat politique à la radio. Avant, c’était complètement impensable. Mais on reste quand même prudent. Sur Facebook, on a posté une photo qui montrait des policiers en pleine scène de pillages. On ne sait pas si c’est de la censure, mais en tout cas elle a été supprimée de nos publications. On a aussi reçu des consignes de l’armée qui nous demandent d’arrêter de balancer des photos et des vidéos montrant leur déploiement.

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