Urban cave…Elire domicile dans le livre… état de grâce aux Etats-Unis

©Andrea Star Reese, Urban Cave, 2009.

Cette photographie a été un des principaux supports visuels du festival Visa pour l’image 2010 de Perpignan. Reprendre cette photographie c’est une façon de saluer le travail tenace de Jean-François Leroy et de toute son équipe qui portent un festival rare et salvateur dont une semaine entière est consacrée à l’accueil des scolaires. Mais si j’ai choisi cette photo c’est, tout simplement, parce que je l’aime beaucoup. André Star Reese en est l’auteur.  » Lancé en 2007, le projet Urban Cave dépeint la résistance et l’humanité dans « sans domicile » qui vivent à New York en marge de la société. Depuis plus de sept ans, Lisa et Chuck vivent ensemble dans le tunnel ferroviaire d’Amtrak. Aujourd’hui la plupart d’entre eux ont un logement, ou sont sur le point d’en trouver un, le plus souvent grâce à l’ONG Center for Urban Community Services (Centre pour les services aux communautés urbaines.) Cette photographie est tellement belle qu’on en oublie la richesse de sa composition… on peut remarquer le contraste entre la lumière chaude, zénithale et de l’ombre froide et sous-terraine, évoquer le jeu entre les rails qui suggèrent un mouvement et l’homme immobile, souligner le cadrage large et légèrement décalé , insister sur cette perspective qui file au fond du tunnel tandis que l’œil focalise sur l’homme, légèrement décentré, posé sur un rail …oui on peut dire beaucoup sur la qualité technique  de cette photo mais Andréa Star Reese la maîtrise à un tel point  qu’elle a l’élégance de nous la faire oublier.
J’aime cette photo parce que, sous ses airs paisibles, elle cache une guerre sociale et culturelle. Une guerre sourde mais non moins violente. C’est un cliché qui sort de tous les clichés. Clichés sur la pauvreté, la marginalité et l’exclusion. Rien de tout cela ici.
Chuck lit. Seul, sur des rails, dans un tunnel désaffecté. Un lieu de lecture improbable. Chuck est absorbé par son livre. Il est touché par la grâce de la lecture … la lumière qui descend sur lui c’est comme une fenêtre de toit ouverte sur le monde. Oui la lecture c’est ça ! … une porte ouverte sur le monde qui siphonne votre esprit le temps de quelques pages. Chuck est entré dans son livre. Il loge dans l’imagination d’un auteur. .. Un domicile bienveillant et captivant. Les pages font un éventail, elles soufflent un vent nouveau, elles soufflent le quotidien. Chuck est loin de ce tunnel. Les petites pages se tournent dans un léger bruissement et Chuck suit l’auteur un peu plus loin… et il quitte la pesanteur du présent.
Chuck aimera certaines phrases…peut-être marquera-t-il les petites pages d’un léger pli….peut-être soulignera-t-il quelques mots… Chuck est assis, lui, ne suivra pas ces rails qui glissent vers l’ombre inquiétante. Chuck est entré dans son livre. Déterminé, il fait valoir son droit à l’immobilité et à la culture. Il reste dans la lumière. Il est la lumière. Il rayonne.
Chuck est touché par la grâce…et nous… par la sienne.
Chuck lit. On aimerait lire la même histoire, on aimerait en parler avec lui. Parler de cet univers qui l’emporte ailleurs. Lire, parler… c’est sortir de la pauvreté, de la marginalité et de l’exclusion car lire, parler c’est s’enrichir, échanger et partager. Par la lecture, revenons à la devise française : Liberté, égalité, fraternité… comme une sublime réponse à un modèle de société inique. Par la lecture, revenons à la devise américaine E pluribus unum…comme un ultime retour aux fondements de notre civilisation. Oui, j’aime beaucoup cette photo. C’est un cliché qui sort de tous les clichés.

Laetitia Canal – Cologni

Pour aller plus loin

Etats-Unis, localisation


* Quelques chiffres sur les Etats-Unis (source census bureau)
Population en 2009 310 millions d’habitants
PIB (ppa) en 2009 14 264 milliards de $ ( 1er rang)
Population sous le seuil de pauvreté en 2009 43,6 millions (14,3% de la pop dont 26% de Noirs, 26% d’Hispaniques, 12% d’Asiatiques et – de 10% de Blancs)

*Base de calcul du seuil de pauvreté ( source census bureau)
10 850 $ pour une personne, 14 570$ pour 2 pers et 22 000$ pour 4 personnes

*Le Centre pour les Services Communautaires Urbains.(www.cucs.org)

Le Centre pour des Services Communautaires Urbains (CUCS) a été fondé en 1979.  À son début, il avait pour simple objectif d’impliquer des étudiants d’Université Columbia dans l’aide aux individus dans le dénuement du  quartier. Mais avec l’augmentation des sans abri dans les années 80, CUCS a étendu sa mission et a officiellement fusionné comme une ONG, indépendante et à but non lucratif en 1994. Aujourd’hui cette ONG est devenue un acteur essentiel à la réinsertion des sans abri, son action a été récompensée par de nombreux prix.


*Welfare State aux Etats-Unis

*Sécurité sociale
-1935 Social Security Act voté dans le cadre du New Deal du président Franklin Delano Roosevelt. Cette assurance sociale devait réduire la pauvreté chez les personnes âgées, les chômeurs, les veuves et orphelins.
-30 juillet 1965 Création de Medicaid et Medicare sous la présidence de Lyndon B. Johnson. Medicaid est une assurance maladie pour les individus et les familles à faible revenu et ressource. Medicare est le système d’ assurance-santé destiné aux personnes de plus de 65 ans ou répondant à certains critères.
*Aides sociales
1935-1997 L’AFDC (Aid to Families with Dependent Children) se sont des aides versées aux mères au foyer ; le montant est proportionnel au nombre d’enfants à charge. Cette aide permet également d’avoir accès aux soins, aux repas gratuits des enfants dans les cantines scolaires et aux coupons alimentaires (les « food stamps »). Le Family Support Act de 1988 (« Loi de soutien à la famille ») a réformé les modalités d’attribution des allocations sociales, cette loi vise à ne distribuer des aides sociales que si certaines conditions de comportement sont remplies par les bénéficiaires de l’aide.
1993 : Sous le mandat de Bill Clinton, l’AFDC est remplacée par le Temporary Assistance for Needy Families (TANF) : plus restrictif (la durée de l’aide est réduite à cinq ans, deux ans pour trouver un travail), le nombre de ses bénéficiaires a fortement reculé. : en 2005, 1,9 million de familles recevaient des allocations contre 4,4 millions en 1996.
2009 : 80 millions d’Américains sur une population totale de 305 millions d’habitants n’avaient soit pas d’assurance santé, soit étaient sous-couverts.
2010 : Le président Barack Obama promulgue un texte sur une réforme de l’assurance santé, assurant une protection sociale à des dizaines de millions d’américains qui en sont dépourvus. Elle interdit aux assurances de refuser de les couvrir en raison de leurs antécédents médicaux. Elle octroie une aide financière aux familles qui ont des revenus inférieurs à 88 000 dollars par an. La réforme devrait coûter 940 milliards de dollars (695 milliards d’euros) sur dix ans. Son financement devrait être assuré par des taxes sur les revenus élevés et la baisse des dépenses de soins.

*A lire :
Michael Harrington, L’autre Amérique la pauvreté aux Etats-Unis, Gallimard, 1967.
William Julius Wilson. «Classe, race, pauvreté aux Etats-Unis». Revue Quart Monde, N°161 – « Travaillés par le travail »,1997 Revue Quart Monde.
William Julius Wilson :When Work Disappears : The World of the New Urban Poor, New York, Alfred A. Knopf, 1996.
FSA: http://www.irp.wisc.edu/publications/focus/pdfs/foc114e.pdf
Armelle Vincent, L’assurance maladie aux Etats-Unis, un cauchemar , Rue 89 , 24/06/2009
Sylvain Cypel « M. Obama emporte à l’arraché la réforme de la santé »Le Monde, 23 Mars 2010

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